Jean-Marc VIVIER

      Pour réaliser textes et dessins, je me suis dédoublé : une part de moi-même a rédigé ces contes et      l’autre, complice, s’est livrée aux illustrations. Tels deux instruments de musique, elles se sont accordées pour vous offrir un duo souriant et  harmonieux…

      Peut être, voulais-je fixer inconsciemment ces images emmagasinées que j’avais vu défiler dans ma tête, images-souvenirs et images-fantasmes. Qui sait ? Peut-être, en est-il de même avec ces paroles accumulées dans ma mémoire d’enfant, paroles-souvenirs et paroles-fantasmes. Qui sait ? Esquisses et écrits sont-ils les reflets fidèles de mon vécu ? De mon île ?

      Ai-je réussi à libérer cette voix intérieure, qui souhaitait se faire entendre et sauvegarder son butin précieux pour l’épargner de l’oubli ? Ai-je réussi à lui restituer l’ardeur qui l’animait et qui fait d’elle mon interlocutrice de prédilection ?

       Ma naissance, dans une maison blottie au creux des dunes à l’abri des vents de noroît, acclamée par les cris des goélands, m’attache inexorablement à cette île, où mes racines et mes branches ont trouvé un terrain et un espace pour s’épanouir.

      Ma connaissance des accents de la terre et de la mer, des visages burinés par l’air du large, des gestes rudes ou contrôlés, fait de moi un témoin et un porte-parole des insulaires à l’âme secrète et discrète, peu enclins aux épanchements et aux longs discours.

      Ma reconnaissance à cette terre isolée, farouche et généreuse, qui m’offre sa nourriture - fruits de la terre et de la mer - s’exprime par le témoignage de fidélité sincère et fervente que je lui adresse aujourd’hui.

 

      Peu de régions françaises ont connu des transformations géographiques aussi importantes que Noirmoutier. Surgi dans la nuit des temps, ce territoire en mutation perpétuelle, montre un visage constamment changeant dans ses habits tantôt neufs, tantôt usés, démodés ou au goût du jour, à tel point que nous avons parfois du mal à cerner sa personnalité et à définir son identité. 

      La mer omniprésente, comme au creux des coquillages, compagne bienveillante ou tourmentée, qui monte et descend selon les marées, ouvrant et  fermant ainsi notre domaine, imprègne notre vie entière,  nous invite à nous accorder à elle et à battre au rythme de son cœur…

      Dans l’île de Noirmoutier, généreuse et secrète, les traditions culturelles sont restreintes vu l’étroitesse du territoire et l’éloignement de la ville. Cependant, il existe un potentiel qui ne demande qu’à surgir. Aidé par le vécu et l’imagination, il peut voir le jour et jaillir de façon surprenante. Un os de seiche peut devenir un bateau, une plume de goéland la voile, une écorce de pin la mer, un rayon de soleil le bonheur ….

 

      Ai-je conservé mes yeux d’enfant pour contempler les beautés du monde et de cette île en particulier ? Ce qui attriste mon regard ce sont les souffrances et les tribulations des hommes. Cependant, avec les jeunes, ne convient-il pas d’être leurs complices, d’oublier un instant les vicissitudes et les tragédies qui nous entourent ? Le spectacle du monde, souvent affligeant, nous incite à user d’une baguette magique pour dissiper la tourmente, inventer des histoires magnifiques, chanter et enchanter la vie. Rêver aussi.

      Comment, petits et grands, pourrions-nous rêver, sans simplifier la vie et parer le monde de belles couleurs ? Comment, parents et enfants, pourrions-nous rêver, sans ouvrir les portes d’un univers féérique ou merveilleux ? Nous sommes conviés chaque jour à une renaissance dans la joie et la plénitude.

 

       Dessins stylisés et contes s’associent pour créer un espace nouveau, où chacun est convié à prendre son essor et à s’évader à loisir… En réalisant cet album, je suis redevenu enfant et j’ai effectué, à tire d’aile, un voyage splendide dans l’île de Noirmoutier… En lisant ces contes et en coloriant ces dessins, gageons qu’à votre tour vous les ferez vôtres et ensemble nous accomplirons cette pérégrination insulaire …

      A nous de jouer le jeu et de nous laisser entraîner par cette innocence enfantine. Nous avons tous été enfants mais nous ne voulons plus l’être. Pourquoi ? Serait-ce régresser ou déchoir ? Non. Assurément, les enfants peuvent nous faire découvrir que l’essentiel n’est pas où nous le croyions et, qu’en les écoutant, nous pouvons grandir vers plus d’humanité. Ne pourrions-nous pas leur permettre de déposer plus de tendresse et de sagesse dans nos cœurs d’adultes ? De fantaisie aussi ?

 

      En lisant ces « Contes et nouvelles de Noirmoutier » nul doute qu’en famille vous partagerez des moments délicieux. J’en suis convaincu. A vous, petits et grands, c’est ce bonheur que je vous souhaite.